mercredi 19 février 2020

Critique de GEMINI MAN (2019) de Ang Lee




 💡 À savoir :

Produit par la société de production Jerry Bruckheimer Films (saga des Pirates des Caraïbes et des Bad Boys) et Skydance Media (Les derniers Star Trek et Mission Impossible) Gemini Man (ou "L’homme Gémeau" chez nos cousins Québécois) était à l’origine un projet datant de plus de 20 ans. À l’époque, en 1997, cette idée était portée par Disney, mais comme les procédés de rajeunissement numérique étaient nettement moins aboutis qu’aujourd’hui, il était d’abord question d’un duo Harrison Ford / Chris O’Donnell, pour jouer respectivement le personnage principal et son jeune double. Puis, lorsque l’idée de faire jouer cet assassin vieillissant à deux âges différents par un seul et même acteur a finalement été validée, Clint Eastwood ou encore Mel Gibson étaient alors pressentis, avant que ce ne soit Will Smith qui décroche le rôle, et que la licence passe de Disney à Paramount Pictures pour la distribution.

Le réalisateur Taïwanais réputé Ang Lee (Tigre & Dragon) s'est obstiné à continuer de repousser les limites de la technologie en capturant son oeuvre au format HFR ("High Frame Rate", en plus de la 3D 4K). Ainsi, la qualité optimale du blockbuster propose une fréquence d’image allant jusqu’à 120 images par seconde (contre 24 images par seconde en temps normal). Rares sont les productions tournées avec cette technologie novatrice, étant donné que les salles obscures qui ont les moyens techniques de diffuser des bandes numériques avec une telle fluidité se comptent sur les doigts des deux mains en France, et ne sont hélas pas bien plus conséquentes dans le reste du monde. Et Malgré toutes les louanges que Ang Lee peut chanter à propos de cette nouvelle manière de filmer / percevoir un long-métrage pour “plus d’immersion”, cette méthode ne remporte pas forcément l’unanimité chez le grand public. En effet, étant tous exclusivement habitués à voir des bobines en 24 images par seconde, le fait de passer soudainement à 60 voire 120 images par seconde peut s’avérer relativement troublant, et ressembler à la fluidité que l’on connaît déjà pour des reportages TV, des documentaires ou même des feuilletons télénovelas. Au cinéma jusqu’à présent, seules la trilogie Le Hobbit et la précédente réalisation de Ang Lee, Un jour dans la vie de Billy Lynn, profitaient de ce procédé innovant qui demeure toujours bien maigrement exploité sur les écrans.

Au casting, nous retrouvons donc Will Smith (I am Legend) avec une double casquette puisqu’il interprète l’ancien militaire et grand sniper de renom Henri Brogan, ainsi que son ennemi Clay Junior en bonus. Il est épaulé par Mary Elizabeth Winstead (10 Cloverfield Lane) qui incarne la courageuse agente Danny Zakarweski, et de son vieil acolyte Baron, joué par Benedict Wong (Doctor Strange). Tous les trois vont devoir se mesurer à Clive Owen (Les fils de l’homme) sous les traits du perfide Clay Verris.

Mr. et Mrs. Smith, le retour de la vengeance!


📖 L’histoire :

Henri Brogan, la cinquantaine bien tassée, ancien militaire, est maintenant un tueur à gages pour le compte de la DIA, une obscure agence de renseignements et de défense gouvernementale américaine. Ayant gagné une très haute réputation de sniper au fil de ses longues années de service, il effectue un contrat spécial qui le fait fortement douter de ses capacités physiques et mentales vieillissantes, et le pousse à remettre en question sa carrière entière. Il décide alors de prendre sa retraite paisiblement dans l'État de Géorgie.

Sa tranquillité sera malheureusement de courte durée car il finira par apprendre très rapidement une information compromettante pour ses supérieurs.

Seulement, le fait de connaître cette dangereuse vérité va lui valoir de se faire traquer à travers le monde par ses employeurs. Aussi, Clay Verris, directeur du projet secret Gemini, également ancien mentor de Henri Brogan, envoie le fruit de ces expérimentations maléfiques, l’impitoyable Clay Junior, le pourchasser sans relâche.

Heureusement pour lui, il croisera la route de deux compères, entraînés malgré eux dans cette course poursuite infernale, la valeureuse agente de la DIA, Danny Zakarweski, et Baron, une vieille connaissance, qui vont tous deux l’accompagner et le seconder en bonne et due forme au cours de leurs pérégrinations tumultueuses.

De Savannah dans l'État de Géorgie, à la charmante Carthagène en Colombie, et même jusqu’à la capitale Hongroise, Budapest, notre héros va se retrouver secoué de tous les côtés par son mystérieux poursuivant qui arrive à anticiper naturellement toutes ses actions. De nombreuses péripéties vont les attendre et le mettre lui, ainsi que ses deux alliés, à rude épreuve jusqu'à les pousser dans leurs derniers retranchements.

Dès sa première rencontre en face à face, Henri va vite réaliser que celui qui le talonne sans cesse est doté d’une apparence physique étrangement familière. Plus jeune, plus rapide, plus fort, plus vif, ce jeune clone de presque 30 ans de moins, va se révéler être sa plus difficile de toutes les missions.

Se sentant toujours rattrapé par son passé qui le hante, Henri arrivera-t-il enfin à supporter son reflet dans le miroir, et s’extirper de cette situation périlleuse face à cet “agent double”? 

Quand Will croit qu'il peut encore voler dans les airs comme dans le film "Hancock".


📹 Réalisation / mise en scène :

Au niveau du rendu du HFR, même si l'aspect visuel est très propre et très détaillé, le ressenti s'avère être beaucoup trop artificiel de l'avis général de l'équipe de HD LAND. D'autre part, l'étalonnage très moyen fait penser à un mauvais documentaire TV au point qu'il en devient difficile d'entrer dans l'action du film. Tout comme Billy Lynn du même réalisateur, le rendu HFR a plutôt tendance à déconcerter le spectateur plutôt qu'à apporter une expérience bénéfique immersive. Ainsi, si certains cinéphiles crient au génie pour cet apport de fluidité, nous sommes de notre côté très réservés quant-à l'apport d'une telle technologie. Seul le maître James Cameron pourra peut-être nous faire changer d'avis avec AVATAR 2 qui devrait à priori utiliser la technologie HFR de manière ponctuelle dans des scènes d'action très spécifiques si l'on en croit les dernières rumeurs (si le film daigne sortir un jour...).

Il semble de notre point de vue que la fréquence de 30 images par seconde soit une alternative intéressante, procédé utilisé sur quelques très rares films de cinéma tels que Le tour du monde en 80 jours et Oklahoma!, tournés tous les deux en 70mm Todd-AO 30p. La fréquence de 30 images par seconde (doublée en 60p dans la version Blu-ray) est beaucoup mieux tolérée par l'esprit humain et l'apport de fluidité permet de diminuer les saccades sans pour autant dénaturer l'image.

Pour le reste, au final Gemini Man se présente comme un film d’action / suspense parfaitement classique. Nous pouvons profiter de courses poursuites sensationnelles, de bonnes grosses bastons bien musclées, et de séquences de fusillades haletantes! C’est nerveux, agressif, et bien brutal comme il se doit. Lors des passages les plus épiques, on ne trouve aucune faille qui dénote parmi les effets spéciaux remarquables qui sont à la pointe de ce que l’on pouvait attendre en 2019, avec des plans de caméra ultra précis.

Autrement, pas de fulgurance notable dans la mise en scène dès lors que le montage et le découpage n'ont rien d'exceptionnel ni de véritablement marquant. En revanche, il faut bien admettre que le rajeunissement numérique de Will Smith est tout bonnement bluffant de réalisme, on se croirait vraiment revenu devant la série qui l'a fait connaître en 1990, le prince de Bel-Air.

La bande-son n’est pas particulièrement fameuse. La photographie de l’oeuvre particulièrement clinquante, presque éblouissante, plairai à quelque-un mais souffre d'un cruel manque d'aspect cinéma. L'étalonnage des couleurs et le réglage des éclairages donnent un visuel réaliste et plaisant à l’œil mais avec un aspect très "vidéo" comme c'était le cas sur le film Billy Lyn. Les décors nous font beaucoup voyager, ils sont bien mis en valeur et sont assurément fort dépaysants.

Le scénario ne casse pas trois pattes à un canard, soyons francs. Si jamais vous avez vu la bande-annonce au préalable, ou si vous êtes un amateur des nanars de Jean-Claude Vandamme des années 90 (Double Impact ou encore Replicant), alors ce concept de “clone jumeau maléfique” ne vous réservera absolument aucune surprise. C'est un sujet éculé qui fut déjà exploité un nombre incalculable de fois sous toutes les coutures, dans tous les styles possibles et inimaginables, à travers de multiples supports culturels (par exemple très récemment dans la série Netflix Living With Yourself tourné sur le ton de la comédie). L’histoire est donc conventionnelle voire banale, extrêmement prévisible, et ne vole décidément pas bien haut.

Les protagonistes n’ont pas assez de temps de dialogue pour devenir sincèrement attachants pour les spectateurs car il est difficile de s’identifier à ces personnalités tout juste survolées. Sans cette implication, les enjeux en deviennent nettement moins prenants.

Il est regrettable que l'intrigue nous dévoile si peu d'explications concernant certains point d'avancées scientifiques majeures sur lesquelles il aurait été intéressant de s'attarder un minimum afin de mieux contextualiser le tout. Ces justifications sont expédiées, voire catapultées, en quelques mots au détour d'une conversation, et cela contribue à ressentir d'autant plus les incohérences et autres raccourcis scénaristiques.

Le rythme parait mal organisé puisque l’introduction semble s’étirer un peu trop en longueur, et on ne verra la première apparition du redoutable clone qu’au bout de 40 minutes, or sur "à peine" deux maigres heures de durée totale, cela peut paraître légèrement poussif.

Quand tu as du mal à te regarder en face.

💛 Impression générale :

Attendu avec grande impatience et de pied ferme de par toutes ses promesses de prouesses technologiques, nous savions tous au préalable qu'il compterait un bon acteur populaire en double à la distribution, qu'il serait mis en scène par un grand réalisateur émérite, et que nous allions rester scotcher à notre siège devant tant d'action rondement menée. Face à tous ces arguments annonçant un film culte, nous étions en droit de vouloir assister à un grand moment de cinéma mémorable, mais en fin de compte, c’est une petite déception.

Ces aventures restent tout à fait agréable à suivre malgré tout, grace à quelques séquences qui font indéniablement monter la tension. Certes, nous obtenons notre bonne grosse dose d'adrénaline, néanmoins le manque cruel d’originalité et de personnalité dans le récit et dans la mise en scène, l’empêchent clairement de se démarquer du lot et de le rendre inoubliable.

Avec un budget raisonnable pour un tel blockbuster, estimé à 140 millions de dollars (sans compter le marketing derrière) il a malheureusement fait un bide monumental en salles puisque les pertes seraient estimées à près de 75 millions de dollars. Énorme coup dur pour la Paramount et la carrière de Will Smith. Désormais, il faudra mettre les "bouchées doubles"!

C'est ce qui s'appelle "prendre un coup de vieux".


🏆 Notes parmi l'équipe :

Damien

Christophe

Olivier

Jacques


Critique du film : Damien
Critique technique : Christophe